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À la Quête de l'Oubli

Serge Matuta

1 Audre Lorde, Between Ourselves, Eidolon Editions, 1976

Ici l’artiste meurt

Seuls ses regrets restent
ses oeuvres triment dans la poussière
ses envies pourrissent
ses recherches se perdent
et sa mémoire erre
comme le vent du cimetière
ne sachant pas où souffler.

L’artistique est ingrat,
saleté d’ingratitude !
Que des vautours à l’assaut
du matériel pour l’estomac,
dans cette cacophonie hypocrite,
où la faim finit par asémantiser la fin.
Et si la mort précédait l’oubli ?

Lorde avait peut-être raison :
« humility lies in the face of history »1 (l’humilité ment en face de l’histoire).
La scène n’existe pas sans la lumière,
et pourtant l’ombre nourrit les contours
de l’existence.
Mais d’où vient l’orgueil du soleil,
lui qui pense dominer la nuit ?

Heureusement !
Le bambou, si souple face au vent,
avait tout compris : il sait plier
sans jamais rompre.
Qu’importe si les autres ne comprennent pas,
Il survit.
L’important, c’est de s’adapter.

Alors, il faut pas perdre la raison,
nous disait un chef coutumier.
Nous l’écoutions,
comme on écoute le gargouillement d’un ventre affamé.

D’ailleurs, qui l’avait proclamé chef ?
Où se trouvait son village ?

Ici, ne pas vouloir perdre la raison,
c’est perdre la sensibilité d’un monde
hautain et dominant
où le fantasme est humain,
les tombes à ciel ouvert,
entre coeur et terre,
entre passion et désillusion.
Peut-être que survivre
dans ce monde,
c’est comprendre qu’au final,
ta raison fini par t’enterrer.