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Phaséur

Anli Lukunku

Le titre fait référence à une description congolaise familière des sans-abris et des sans-patrie en tant que « Phaseur », dont les phases de sommeil sont agitées et interrompues, et qui n’ont pas de repères sociaux et familiaux fixes. Au sens figuré, l’architecture contemporaine de Kinshasa peut être qualifiée de « Phaseur », car elle ne se rapportent à aucune référence claire dans sa propre histoire. En revanche, les influences architecturales actuelles peuvent être considérées comme des vestiges de l’époque coloniale et des styles importés de sociétés de construction d’autres pays. Partant de cette observation, le projet s’inspire des principes esthétiques de l’architecture précoloniale du peuple téké.

Entre 1650 et 1880, le peuple Teke a construit des bâtiments en bois et en paille dans la région de l’actuelle Kinshasa. La forme de base était le rectangle comme surface de base et le cylindre comme superstructure.1 À la fin du 19e siècle, ce mode de construction, ainsi que toutes les structures sociétales, ont été détruits par la colonisation belge. Les maisons rondes existantes ont été utilisées par le pouvoir colonial pour loger les travailleurs des champs. Pour les classes supérieures, ils ont construit des maisons de formes angulaires en bois et en argile. La première pierre de la division hiérarchique coloniale de la ville de Kinshasa était ainsi posée.2 Jusqu’à aujourd’hui, la forme angulaire est la forme architecturale dominante à Kinshasa et est perçue comme une construction et une esthétique moderne, tandis que la forme ronde est interprétée comme rétrograde.

Le projet « Phaseur » projette dans le futur la forme architecturale précoloniale semi-circulaire, l’association du rectangle et du cylindre. Dans une étude analogique de la forme, le projet explore des conceptions futuristes. Ensuite, des modèles architecturaux virtuels imaginaires sont créés à partir de ces deux figures géométriques, remettant en question l’héritage colonial de la hiérarchie des formes. Inspirée par les modèles de villes fantastiques de Bodys Isek Kingelez, une ville imaginaire est créée dans l’espace virtuel, qui allie le passé précolonial à la vision d’avenir d’une architecture utopique.

 


 1. Roger Mumbere Tshaka, « L’architecture Congolaise, Mythe ou réalité ? », 2014, Page 7

2. Voir Lumenganeso Kiobe, « Kinshasa Genèse et sites historiques », 1995

Anli Lukunku est né en 1997 à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC). Il a obtenu son master en architecture d’intérieur en 2022. En tant qu’artiste, il se penche sur l’architecture, l’urbanisme et l’aménagement de l’espace en tant que construction identitaire. Il étudie la conception des espaces publics et leurs narratifs sociaux et développe de nouveaux récits visuels pour contribuer à un avenir postcolonial. Dans une approche transdisciplinaire, il associe ainsi l’aménagement numérique de l’espace, les modèles architecturaux fantastiques et utopiques et la scénographie urbaine.

Ses thèmes portent sur le passé et le présent de l’Afrique, entre tradition et influence européenne, et sur les conséquences contemporaines de la colonisation, du prosélytisme et de l’aide au développement. En s’intéressant aux tensions interculturelles dans les sociétés postcoloniales contemporaines il combine l’esthétique précoloniale des royaumes de Cuba et de Pende et le design futuriste.

Il a notamment présenté son travail dans le cadre de Triangles Tournoyant : En route vers une école de design de Savvy-Contemporary (2019), la Dizainer Master Class (2023) et à l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa (2020). En tant que scénographe, il a travaillé au Musée national de Kinshasa (2021), au théâtre Maboke (2021) et sur la plateforme numérique New Viewings de la Galerie Barbara Thumm (2022). Actuellement, il travaille comme chef de projet dans l’atelier pour enfants et jeunes défavorisés du centre culturel Mokili na Poche.