Une œuvre d'art sur la migration n'a pas de maison
Dr Luiza Prado de O. Martins
Une œuvre d’art sur la migration n’a pas de maison
Technique mixte sur toile, cartons de déménagement
Berlin, 2022
Cette œuvre explore les mouvements actuels de migration à l’intérieur et à l’extérieur de la forteresse Europe, et pose la question suivante : une fois arrivés sur ce continent, quel est l’espace occupé par les artistes du Sud ? Enfermées entre les murs d’une galerie, nos œuvres d’art risquent de s’inscrire dans une tradition d’exploitation et de marchandisation. Enfermées par les contraintes des bureaux d’immigration, les personnes déplacées sont soumises à des taxonomies qui attribuent une valeur à la vie humaine en fonction de la nationalité, de la race, de la classe, du sexe. Que se passe-t-il, alors, lorsque nous refusons de nous conformer à ces enclos disciplinaires ? Que se passe-t-il lorsque les murs d’encerclement se défont ?
L’installation tente de démêler et de relier les structures bureaucratiques et architecturales du bâtiment du Landesamt für Einwanderung (Office national de l’immigration) dans le Friedrich-Krause-Ufer à Berlin. Cette construction industrielle, érigée en 1938 pour le fabricant de lampes Degea AG (anciennement Auer Gesellschaft), a reçu son permis du directeur général de la construction nazie Albert Speer et a été conçue par Egon Eiermann. Qu’il s’agisse de filets anti-suicide à l’intérieur du bâtiment, d’ascenseurs défectueux qui entravent la circulation des personnes handicapées ou de l’absence d’accès aux toilettes pour ceux qui font souvent la queue à l’extérieur, la construction est une étude sur la déshumanisation et l’hostilité. De même, sa structure organisationnelle coalise les constructions racistes de la nation, de la nationalité et de l’origine.
L’œuvre se compose de deux sections – un collage à grande échelle sur toile, et plusieurs boîtes mobiles portant le titre de l’œuvre – placées à l’extérieur de la galerie de la Haus der Statistik. Avec cette pièce, l’artiste invite le public à intervenir, à vandaliser et à voler des morceaux de cette œuvre, atomisant ainsi sa présence et son message dans la ville de Berlin.
Luiza Prado de O. Martins est une artiste, écrivaine, éducatrice et chercheuse qui étudie les relations entre les plantes et les humains, la reproduction, la médecine par les plantes et les soins radicaux et décolonisateurs. Son travail artistique s’étend à la vidéo, à la nourriture, à la performance, à l’installation et à la sculpture, examinant les questions de droits reproductifs d’un point de vue féministe et anticolonial, avec un intérêt particulier pour les pratiques médicinales des herboristes. Son projet de recherche artistique en cours, « In Weaving Shared Soil », explore les sites de rencontre entre les acteurs humains et plus qu’humains impliqués dans les soins reproductifs spirituels et médicinaux. Le projet se déroulera au Brésil, au Liban, au Royaume-Uni et en Allemagne tout au long de l’année 2023. Elle est professeur adjoint et vice-directrice du Centre pour les autres mondes à l’université Lusófona de Lisbonne. Elle est la moitié du duo d’artistes We Work in the Dark et membre fondateur de Decolonising Design.